Monsieur

Je me rendais à la bibliothèque quand un jeune d'environ 12 ans dit à son ami qui se trouvait sur mon chemin: "Laisse passer le monsieur"... Il va bien falloir se rendre à l'évidence, je suis maintenant un monsieur. Bien sûr, ça m'était bien arrivé de me faire appeler comme ça au cours des dernières années, surtout par des adultes, question de rester polis. Mais ces temps-ci, c'en est devenu la norme et j'ai l'impression d'avoir échoué dans cette case sociale pour de bon. Ce n'est plus par "calcul" qu'on m'appelle ainsi, mais bien par automatisme affiliatif.

Toujours à la bibliothèque, je me permets d'aider spontanément mes voisins de table, des étudiants du cégep, avec leur travail en philo qui semble leur prendre la tête. Je leur devine une petite gêne qu'il me confirme en me vouvoyant bien grassement.

Puis, à la télévision dernièrement, je vois un de mes anciens collègues de classe du secondaire devenu journaliste à la SRC. Je le reconnais, voit la continuité du personnage, mais reconnais surtout, après une brisure de 12 ans, la présence à l'écran d'un monsieur maîtrisant très bien sa monsieurité.

Donc ça n'arrive pas qu'à moi faut croire. Nous devenons tous un jour ou l'autre sinon des monsieurs sinon des madames.

S.